Sylvia Plath, la poétesse qui fascine

Sylvia Plath
Sylvia Plath’s ‘Marilyn’ shot, June 1954, Gordon Ames

« Je ne peux jamais lire tous les livres que je veux Je ne peux jamais être tout ce que je veux et vivre toutes les vies que je veux. Je ne peux jamais apprendre toutes les compétences que je veux. Et pourquoi est-ce que je le veux ? Je veux vivre et ressentir toutes les nuances, les tons et les variations de l’expérience physique et mentale possible dans ma vie. Et je suis horriblement limitée« .
A chaque fois que je lis ces mots, je suis frappée par la façon dont ils me semble si familier et criants de vérité. Comme si certaines de mes pensées avaient été couchées sur le papier. Pourtant, évidemment ces mots je ne les ai pas écrits. Ce sont ceux de Sylvia Plath, une écrivaine et poétesse américaine, considérée comme un.e des plus grands talents littéraire du 20e siècle et pourtant encore trop invisibilisée dans notre société.

Des débuts précoces

Sylvia Plath nait à Boston le 27 Octobre 1932. Dès son plus jeune âge, elle se révèle être une enfant extrêmement précoce et talentueuse. Elle apprend à lire dès l’âge de 3 ans et publie son premier poème dans un journal local, lorsqu’elle en a seulement 8. A 11 ans, elle commence à tenir son premier journal ; habitude qu’elle gardera tout au long de sa vie.
Malheureusement, cet âge marque également celui de son premier traumatisme : La mort inopinée de son père, en 1940, suite à l’amputation d’une jambe gangrénée par le diabète.
‘’Je ne parlerai plus jamais à Dieu’’ furent ces mots en réaction à cet évènement. La fillette voit cette mort comme une trahison et développe par la suite une peur de l’abandon et un malsain besoin d’exigence.
Ce tragique évènement et sa relation avec son défunt père marqueront beaucoup de ses oeuvres comme les poèmes “Electra on Azalea Path” et « Daddy« .

 » Tranché en deux mon petit coeur rouge.
J’avais 10 ans quand ils t’ont enterré. 

A 20 ans, j’ai voulu mourir
Pour te rejoindre joindre joindre
Je croyais que mes os sauraient t’atteindre. (…) »
Papa, 1962

Brillante élève, elle intègre en 1950 une des meilleures universités américaines réservées aux femmes, le Smith College près de Boston. Elle y publie des poèmes, écrit des articles, participe aux fêtes étudiantes et devient rapidement populaire. Cependant, elle est souvent sujette au doute quand à son avenir et sa carrière. Son humeur est très changeante et elle se retrouve coincée entre le conformisme de l’époque et son irrépressible besoin de liberté et d’indépendance.
Malgré des troubles bipolaires, une première tentative de suicide et une admission en institut psychiatrique où elle subira un traitement par électrochocs, elle obtient son diplôme 5 ans plus tard, avec la mention honorifique.

Elle décroche ensuite une bourse lui permettant d’étudier au Newnham College de Cambridge, en Angleterre. Au cours d’une fête le 25 Février 1956, elle rencontre Ted Hughes, un jeune poète Anglais. C’est le coup de foudre malgré une rencontre violente : après une vive discussion accompagnée de Brandy, Ted embrasse Sylvia qui lui mort la joue. Le visage en sang, il lui arrache son bandeau et ses boucles d’oreilles avant de sortir rejoindre sa petite amie. Ils se retrouvent un mois plus tard et décident de ne plus se quitter. En Juin 1956, Sylvia lui propose de se marier et le jeune homme accepte. Un an plus tard, ils décident d’aller vivre aux Etats Unis. Un amour passionnel et fusionnel caractérise le couple, du moins pendant un temps.

Sylvia Plath
Sylvia Plath, 1954,Warren Kay Vantine/College Archives, Smith College, Northampton, Massachusetts

Un amour fusionnel 

Les premiers années de leur mariage, Ted et Sylvia vivent en symbiose et tentent de subsister de leur plume. Cependant, Sylvia se retrouve rapidement à devoir occuper des emplois temporaires et à mettre sa carrière en retrait par rapport à celle de son mari. Elle obtient un poste d’enseignante dans son ancienne université, mais devant la difficulté de concilier ses deux carrières, elle décide de démissionner.
La jeune femme traverse alors une période difficile d’insatisfaction professionnelle puis émotionnelle. Elle décroche par la suite, un emploi en tant que réceptionniste dans l’unité psychiatrique du Massachusetts General Hospital. Le soir après le travail, elle assiste à des séminaires donnés par le poète Robert Lowell. La poétesse Anne Sexton y assiste également et les deux jeunes femmes se lient rapidement d’amitié. Robert et Anne auront une influence capitale sur l’oeuvre de Plath. Ils l’encourageront à écrire sur son expérience personnelle et ses troubles mentaux.

Sylvia Plath tombe enceinte en Octobre 1959 et le couple décide de retourner à Londres. Leur fille Frieda nait le 1er Avril 1960. La même année, Sylvia publie son premier recueil de poèmes, « The Colossus« .
En Février 1961, elle subit une fausse couche et ses troubles psychiatriques refont surface. Cet évènement hantera par la suite, nombreux de ses poèmes (« Parliament Hill Fields« ).
Le second enfant du couple, Nicholas, nait en Janvier 1962.
En juillet 1962, elle intercepte un appel destiné à Ted et reconnaît la voix de l’épouse d’un ami. Elle se rend ainsi compte qu’il a une liaison. Furieuse, elle se venge en brûlant les écrits de son mari. Le couple se déchire tout en continuant à vivre sous le même toit.

Sylvia Plath
Sylvia Plath et ses 2 enfants, Avril 1962, Siv Arb/Writer Pictures

La descente aux enfers

Quelques mois plus tard, Ted la quitte pour cette autre femme. Son état de santé mental et physique devient préoccupant. Paradoxalement, c’est la période où elle va écrire et créer le plus : L’abandon de Ted lui permet de se réaliser entièrement et de ne plus écrire dans l’ombre de son mari. Elle écrit au moins 26 poèmes pendant les derniers mois de sa vie.

En décembre, elle demande le divorce et s’installe de nouveau à Londres avec ses deux enfants, tentant au mieux de concilier le travail et l’écriture. Le 14 Janvier 1963, elle publie son unique roman semi-autobiographique  ‘’The Bell Jar’’ (‘’La Cloche de Détresse’’ en Français), où elle décrit son épisode dépressif de 1953. Malheureusement, le livre ne reçoit pas la reconnaissance espérée par l’autrice, qui est alors placée sous antidépresseurs.
Se rajoute à ça, un des hivers les plus froids au Royaume Uni. La famille vit difficilement. Les enfants, alors âgés de 2 ans et 9 mois, tombent souvent malades. L’état mental et physique de Sylvia ne fait que se dégrader. Elle souffre d’insomnie, perd 9 kg, et fait plusieurs tentatives de suicide.

Son psychiatre essaye de la faire interner mais cette dernière refuse. Il décide alors de faire venir une infirmière à domicile. A son arrivée, le matin du 11 Février 1963, elle n’arrive pas à entrer dans l’appartement. Avec l’aide du concierge, elle réussit finalement et retrouve Sylvia Plath morte, la tête dans le four et le gaz allumé. Elle a alors 30 ans et laisse Ted Hughes comme seul légataire de son oeuvre et de ses droits d’auteur.

« Le silence me déprimait. Ce n’était pas le silence du silence. C’était mon propre silence »
La Cloche de Détresse, 1963

La consécration

Peu reconnue de son vivant en dehors du cercle littéraire, Sylvia Plath devient à sa mort, une figure emblématique dans les pays anglophones. Les féministes voient dans son oeuvre l’archétype du “génie féminin écrasé par une société dominée par les hommes”. Les autres voient en elle, une icône dont la poésie fascine.
De nombreuses polémiques éclatent également autour de Ted Hughes. Beaucoup l’accusent d’être responsable du suicide de sa femme et on lui reproche d’exercer un contrôle arbitraire sur la publication des oeuvres de Sylvia. Il niera ce fait jusqu’a sa mort en 1998.
D’ailleurs, pendant des années la tombe de Sylvia à Londres, sera sujette à des actes de saccage visant à effacer le nom Hughes de la pierre tombale.

En 1965, Ted fait publier le recueil de poèmes « Ariel » qui devient le plus grand succès de Sylvia.
En 1982, elle devient la première femme à recevoir (à titre posthume) le prix Pulitzer en poésie.

Sylvia Plath
Sylvia Plath, 1959, Rollie McKenna/National Portrait Gallery, Smithsonian Institution

Aujourd’hui, alors reconnue comme l’une des plus grande poétesse américaine du 20ème siècle, la vie et l’oeuvre de Sylvia Plath fascine toujours autant et font le sujet de milliers d’études à travers le monde.

« Je ne peux vivre pour la vie seule, mais pour les mots qui arrêtent le flux. Je sens bien que ma vie ne sera pas vécue tant qu’il n’y aura pas des livres et des histoires qui la feront vivre éternellement dans le temps »
Journaux de 1950 à 1962

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